INTERVIEW

DISCORDIAN RECORDS
04/04/2005

 

 

Depuis combien de temps existe DISCORDIAN et comment t'est venue l’idée de sa création ? Peux-tu au passage nous rappeler l’origine du choix du nom DISCORDIAN Records ?
Gerard : DISCORDIAN Records a été créé en janvier 2003 pour répondre à l’envie de renouveler une expérience de label que j’avais déjà vécue dans les années 80 avec "Bunker" (label + record-shop + vpc spécialisé punk/HC). Cette envie a coïncidé avec ma rencontre avec Marie Möör qui était à la recherche d’un label pour son nouveau projet "Rose et Noire" et tout s’est enclenché simplement.
Le nom du label est un clin d’œil à mon intérêt pour les "Théories de la conspiration" et de manière plus générale à tout ce qui est "en marge", "parallèle" dans les domaines scientifiques, politiques, culturels. Pour faire court la Discordian Society, à l’instar de la Church Of The Sub-Genius, est une religion parallèle déguisée en canular (ou l’inverse) aux dogmes construits sur une obsession conspirationniste.

Présente nous un peu le(s) style(s) de musique que l’on peut trouver sur le label? Quelles en sont les formations les plus représentatives ?
"Label dédié aux musiques électroniques au sens large du terme et de manière non-exhaustive". Difficile de se cantonner à un style quand chaque genre musical fourmille de concepts novateurs. Puis je marche au coup de cœur, la raison de la présence d’un groupe comme Noise Surgery, trio NoiseHC, sur le label. De Noise Surgery à l’electropop de Rose et Noire, de l’electro-rock d’Original Molock Product à la techno-indus de Sol Ixent, ces formations représentent l’ecclectisme du label. Aujourd’hui la couleur est new wave avec la compil "Elektrowave" mais demain on pourrait retrouver en signature du jazz déviant à la John Zorn ou de la world expérimentale à la Shainko Namtchilak, pourquoi pas ?

Peux-tu justement nous présenter cette compilation et nous expliquer les raisons de sa publication ? A quand le volume 2, 3, 4… ?
Cette compilation est un hommage au son electro/new wave des 80’s par le collectif de DJ’s grenoblois NOTORIOUS et rend compte de l’évolution du style au cours de cette décennie, de la new wave à la new beat. A l’écoute de la maquette j’ai eu comme un sourire béat ; flashback sur les soirées folles vécues à l’époque mais surtout impréssionné par ce respect donné au son, aux gimmicks, aux lignes mélodiques, etc.
En fait je prends "Elektrowave" pour un travail de fans vis-à-vis d’un style musical qui est à la génèse de la culture des membres de NOTORIOUS sans tomber à aucun moment dans le pur plagiat.
On travaille actuellement sur le Vol.2 pour 2006 mais je tiens à ce que le concept s’ouvre sur la collaboration de nouveaux artistes, français ou étrangers.

Comme tu le précises, cette compilation est le fruit du collectif Notorious, peux-tu nous en dire plus sur celui-ci et les rapports que tu entretiens avec les labels tels que Gigolo qui fut l’un des premiers à participer au revival electro/new wave ?
NOTORIOUS est leadé par Stéphane Deschezeaux plus connu sous le nom de Human Body. C’est un noyau de quatre ou cinq personnes, tous DJs expérimentés ou compositeurs, auquel se rajoutent d’autres individualités selon les collaborations. D’où par exemple la participation d’artistes comme Kiko ou Money Penny Project sur le Vol.1 d’"Elektrowave".
Pas de rapports particuliers avec certains labels, Gigolo ou autres. Plutôt des signes de respect mutuel comme avec Goodlife. Je privilégie plutôt les relations avec les artistes signés sur DISCORDIAN et encourage les collaborations entre eux.

Quel public vises-tu exactement ? Penses-tu avoir un lien avec la scène "dark" actuelle et pourquoi ?
On vise bien évidemment le plus large public possible afin de ne pas s’enfermer au sein d’une chapelle. Surtout une des raisons de la création du label est de faire connaître de nouveaux artistes, ou des artistes déjà confirmés, au-delà de leur champ d’action existant.
Pas de lien particulier avec la scène "dark" même si celle-ci montre un intérêt réel pour certaines productions DISCORDIAN. De toutes façons chaque scène est perméable et donc ouverte à des genres musicaux (DUSK/DAWN en est la preuve) à priori non compatibles. Il restera toujours les intégristes qui hurleront au blasphème, personne ne nous oblige à les écouter.
Le concept des "tribus" est un peu dépassé et le phénomène "crossover" (mélange des genres) permet de ne plus se perdre dans des considérations de distinction un peu futiles. Personnellement j’ai autant de plaisir à écouter une production Cold Meat Industry qu’un tube de Christophe ou le hip-hop urbain de Dälek.

Quel est ton regard sur la scène "underground" actuelle en général et plus particulièrement au niveau hexagonal ?
La scène "underground" est toujours aussi pleine de vitalité. Chaque jour amène son lot de bonnes surprises à qui sait écouter et faire un petit effort. L’hexagone pullule de petits groupes et artistes de talent. Seulement le problème reste toujours le même : l’absence de réelles structures de développement de ces artistes, la surdité grave des médias en général, les mêmes facteurs aggravants qui au fil des années nous amènent à ce paradoxe éclatant : une profusion de nouveaux artistes et des vecteurs structurels incapables de les porter à la connaissance du public, entrainant à l’occasion un abêtissement de ce même public qui ne consomme plus ce que l’on veut bien lui offrir.

Combien êtes-vous aujourd’hui dans l’équipe et quel est le rôle de chacun ?
Deux sur le papier, seul dans les faits. En comptant sur l’aide de deux ou trois amis pour la logistique, courrier, graphisme, etc...

Quel est votre statut et est-ce que tu parviens à te rémunérer de cette activité ?
DISCORDIAN est en statut SARL. J’ai une activité salariée en parallèle qui me permet de ne jamais avoir eu à me poser la question d’une rémunération par le label. Le but est de retomber sur ses pieds financièrement et de disposer d’un fond de roulement qui me permette d’enclencher sur des nouveaux projets sereinement.

Quelles sont les principales difficultés que tu rencontres ?
La distribution, sans aucun doute ! On pourrait croire le contraire en étant distribué par une major (EMI) mais le seul avantage est l’assurance (théorique) de voir ses productions placées dans l’ensemble des magasins ; ce qui est de moins en moins le cas, les majors se sont fortement désengagées des labels distribués et ne respectent même plus les termes des contrats. Les distributeurs indépendants refusent de prendre des risques et ne sont à l’écoute que des labels solides financièrement, bénéficiant de structures de promotion et marketing "clés en mains". A l’étranger c’est encore pire, les distributeurs rechignent à s’engager avec de nouveaux labels, et la diversité qui caractérise DISCORDIAN est un caractère dissuasif supplémentaire.

Quels sont tes projets et/ou objectifs pour l’année 2005 ?
Dans l’immédiat la déclinaison d’"Elektrowave" en une série de 12’’EPs dont le 1er est prévu pour le 16 mai 2005. Le nouvel album de Rose et Noire en septembre si le duo confirme vouloir continuer le voyage avec DISCORDIAN, les ré-éditions des 2 derniers albums d’Etant Donnés (c’est l’Arlésienne du label) et deux ou trois projets qui pourraient voir le jour avant la fin d’année. Chaque nouvelle sortie est une mise en péril potentielle du label, mais si Dieu existe sont déjà prévus sur 2006 le nouvel album de Noise Surgery et le Vol.2 d’"Elektrowave".

Que peut-on te souhaiter alors ?
Que le label soit actif encore quelques années et d’accueillir sur son catalogue un nouvel album de My Life With The Thrill Kill Kult (un vieux fantasme… !)
Merci à vous pour cette interview et longue vie à DUSK/DAWN
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Interview par Dawn et Dusk