INTERVIEW

SULPHURIC SALIVA
27/11/2005

 

 

Peux-tu nous expliquer ce que signifie Sulphuric Saliva pour toi et pourquoi avoir choisi ce nom ?
Le nom est venu comme cela, je n'ai pas spécialement cherché. A l'époque j'étais très imprégné par le contexte cinématographique de la saga Alien initiée par Ridley Scott. Cela a forcément dû peser dans la balance ! Je fais souvent les choses sous une inspiration particulière pour ensuite les analyser et constater le lien qui me lie à elles. En ce sens, le constat que j'ai pu faire c'est que Sulphuric Saliva représente la part de moi qui est énervée, voire enragée et qui lutte contre sa propre auto-destruction, d'où les oppositions et les ambivalences.... mélodie / bruit, spiritualité / puissance animale, raison / pulsion...

Comment définirais-tu ta musique ?
On perd notre temps à vouloir les définir ou les expliquer. Elle s'adresse à nos sens, pas à notre calculatrice. La définir pour moi, c'est la condamner. Je préfère que chacun m'en renvoie les émotions ressenties.

Les critiques de ton dernier album « No Opportunity in standard experiences » semblent se rejoindre pour dire que tu as pris une direction plus mélodique comparativement à tes précédentes productions ? Es-tu d’accord avec cela et si oui peux-tu nous expliquer pourquoi ce choix ? S’agit-il d’un moyen de rendre Sulphuric Saliva plus « accessible » ?
Ce n'est pas un choix en tant que tel. Je suis la route sur laquelle je suis, telle qu'elle se présente. Dès les débuts, je n'ai pas vu plusieurs directions possibles, j'en ai vu une seule dont j'ignore le terminus. Je pense que je vieillis et que le goût pour le bruit et le vacarme plus propre à une rébellion adolescente commence à faire place à quelque chose de plus universel, quelque chose qui nous touche tous. Les mélodies ne mentent pas. Pour reprendre tes mots, il s'agirait plutôt de rendre Sulphuric Saliva plus « humain ».

Pourquoi avoir choisi d’offrir en bonus de cet album les morceaux de ton side-project « Triatoma » ? Ne penses-tu pas que cette décision puisse « perturber » le public qui ne te connaît pas ?
Produire un disque comme le Triatoma n'est pas une chose facile. C'est encore plus en marge, par l'absence du coté dancefloor. Et puis je voulais qu'on le sorte avant que les morceaux ne vieillissent trop, ils datent quand même de 1999... Moi je pars du principe que c'est un petit cadeau que je fais à celui qui paye l'album de Sulphuric Saliva. Je ne m'attends pas à ce qu'il fasse l'unanimité chez ceux qui apprécient Sulphuric Saliva pour autant. Je m'attends même plus au contraire, je pense qu'il s'adresse à deux publics qui peuvent ne rien avoir en commun. Par contre à aucun moment je ne me suis dit que ça allait dérouter les gens et qu'il ne fallait pas. Le piège c'est de faire ce que les gens attendent de vous !

Quelle est ta méthode de travail dans la composition des morceaux ?
La rythmique et le travail sur la distortion en premier, puis la mélodie et l'élaboration de la structure. C'est mon approche pour les morceaux à caractère puissant. Les morceaux plus ambient sont travaillés de manière radicalement différente parce que je les crée au moment de l'articulation générale de l'album en cours. Leur rôle étant de dynamiser l'écoute globale, leur position dans la tracklist va définir leur contenu. La création du squelette de l'album est un processus très important à mes yeux. Il arrive parfois que je pense à ce squelette avant de composer les morceaux qui feront la chair de l'album.

Quels sont tes rapports avec Discordian Records et MarkXIII, peux-tu nous expliquer leur rôle par rapport à tes créations ?
Ils sont entre toi et moi. Sans leur travail, seuls mes amis savent qui je suis et où j'en suis. J'ai un rapport moins professionnel avec Mark XIII qu'avec Discordian, puisque je connais Aymeric depuis maintenant plus de huit ans. C'est un ami avant d'être un « partenaire ». Quoi qu'il en soit je leur confie tout ce qui est en dehors de la production artistique parce qu'il n'y a que ça qui m'interesse, moi !

Quel public vises-tu ou penses-tu toucher avec cette musique ?
Le plus large possible, j'espère. Fort heureusement, je continue de faire les morceaux tels que j'ai envie de les faire, et rien d'extérieur à moi-même ne vient influencer ou faire dévier la direction que je choisis. Si je me disais qu'il fallait que je continue à faire des structures technoïdes comme sur le premier album, je m'auto-condamnerais à la répétition. Le premier album avait un coté élitiste parce que j'écoutais des musiques élitistes. Chaque album est un reflet de mon évolution propre et des choses que j'aime écouter. Il y a certaines choses que j'ai besoin d'approfondir dans Sulphuric Saliva, mais ce sont des choses que j'ai promises depuis le début. Je vais simplement faire en sorte qu'on puisse le voir de plus près, que ça puisse vous pénétrer un peu plus. Si le public est au rendez vous à chaque fois j'en suis heureux.

Que penses-tu de la scène électronique en France ? Quels liens penses-tu tisser avec la scène dark ?
Je vis un peu dans un cocon, tel un hermite de studio. Je ne sors pas, ou alors par la prise internet (lol). Les liens que je peux tisser sont soit par découverte, comme ce fut le cas avec Christopher Kah que j'ai découvert par The Fly et dont j'ai remixé Natural Born Killer récemment, soit par le forum Mark XIII ( www.markxiii.ift.fr ) que j'ai ouvert en octobre et qui accueille chaque semaine de nouveaux membres. C'est ainsi que Miss Veronika et moi avons prévu de travailler ensemble sur un morceau au moins pour l'album suivant. Maintenant on vit dans un pays où l'on com-

-munique minoritairement sur la culture à découvrir, par étroitesse d'esprit national peut être, j'en sais rien... Résultat tu as quand même une majorité de moutons qui achètent ce qu'on leur passe douze fois par jour à la télévision via la publicité sous l'effet de ce matraquage. La culture se veut plurielle par définition. Mais en France on est en retard là dessus par rapport à d'autres pays d'Europe. Donc je pense que les artistes continueront à émerger mais devront peut être viser l'étranger si ça continue... Ceci dit, je ne comprends pas ce que Mirways est allé faire avec Madonna. Bon il y a l'incontournable et excellent « Music » que je considère être une petite merveille de mix, mais bon, regarde maintenant ça commence à se voir qu'elle n’a rien compris.

Quelles sont tes sources d’inspiration, influences musicales et autres- ou coups de cœurs personnels ?
Je suis en plein dans une immersion contemporaine. Principalement des styles de musique ambiante ou de source classique. Je me suis procuré le dernier Lightwave « Bleu comme une orange » parce que je suis grand fan depuis « Nachtmusik » (1991) tout comme je tente de récupérer de vieux ou moins vieux disques de Brian Eno, comme récémment Thursday Afternoon, ou The Pearl (avec Harold Budd) ou encore Equatorial Stars (avec Robert Fripp). Brian Eno qui reste pour moi le mec à savoir te faire planer avec une unique plage d'une heure et trois notes de musique. Je reviens aussi à d'autres classiques contemporains pour leur puissance, à savoir Arvo Part et son « Te Deum » ou encore Alfred Schnittke avec « Choir concerto », qui sont à mon sens des oeuvres qui dépassent la condition humaine.

Quelles sont tes ambitions ? Tes prochains projets ?
Dans l'immédiat, mes efforts vont se concentrer vers l'aide à la promotion de Sulphuric Saliva parce que tout ne se passe pas comme cela devrait. Donc je vais faire de mon possible pour aider MarkXIII et Discordian comme je le peux. On vit une époque où même les gens qui vendent des disques ne prennent plus de risques.... c'est dire. Et après on va te reprocher de télécharger des mp3... vas-y cherche l'erreur ! On travaille également sur un prochain maxi vinyl, parcequ'on a la matière et je pense que le quatrième album sera celui des collaborations...

Un mot pour conclure ?
Je souhaite que chacun prenne conscience qu'il faut continuer à acheter les disques qu'on aime. On fait le procès du mp3 plutôt que d'en faire l'éducation. Ceux qui condamnent oublient qu'un jour ils n'ont pas été dépendant de leurs ventes ! C'est un problème d'éducation et c'est à nous de la faire et de la propager pour nous même. Parce que nos enfants risquent de ne pas comprendre ce qu'est un album cd ou un vinyl, ils risquent de passer à coté de ce que représente l'objet, le support en lui même. Le mp3 est un vecteur culturel, il favorise la communication et la découverte, mais il ne doit pas être une fin. On doit éduquer pour bien apporter la nuance qu'il n'y a pas à interdire le mp3, mais à bien s'en servir.


Interview par Dusk et Dawn.
Merci à Christophe / Sulphuric Saliva.