INTERVIEW

PAUL TOUPET
PARIS - 27/02/2005

 

 

Depuis combien de temps t’intéresses-tu au recyclage de poupées et comment cette histoire a-t-elle commencée ?
Ca va bientôt faire 10 ans que je travaille sur le thème de la poupée. Vers l’âge de 16 ans j’ai rencontré l’artiste George Jeanclos et en voyant ses œuvres j'ai eu envie de travailler comme lui sur le thème de l’être humain. Ses personnages, comme des moines bouddhistes, sont d’une grande sagesse. J’ai voulu moi aussi travailler sur la représentation humaine et le support de la poupée m’a paru évident. J’utilisais au début des poupées de récupération comme matière première, car j’accordais une grande importance au fait qu'elles aient déjà une histoire. En les transformant, je voulais redonner vie à ces "poupées abandonnées" présentées dans des boites qui peuvent aussi bien être un cercueil qu'un univers qui leur est propre.

Ton travail a l’air de prendre une tournure différente, peux-tu nous en dire davantage ?
Avec le temps j’ai pu observer qu’il y a eu plusieurs cycles dans mon travail. Au début c’était des poupées retravaillées dans des boîtes et depuis 2002 je travaille à l'échelle humaine. Elles sont devenues des enfants, des adultes. Maintenant elles sortent des boîtes, ces enfants se déguisent avec des masques de lapin, ont de véritables habits. En confrontant le spectateur à une oeuvre de sa taille, j’ai cherché à le renvoyer vers ses propres peurs, à l'inviter à l'introspection.

Pourquoi ces tresses sortant de la bouche et des yeux de tes créations ?
Lors de l’exposition "La mort n’en saura rien" au musée d’art d’Afrique et d’Océanie, j’ai vu un crâne Péruvien avec des tresses de cheveux qui lui sortaient de la bouche. J’ai aimé cette image. Pour moi ce sont des mots qui sortent sous formes de tresses. Je précise que je ne m’inspire que du côté plastique et non de la signification religieuse de ces objets. Je cherche à créer des images fortes, et quand je parle "d’image forte" je ne cherche pas à faire de la violence gratuite. Il n'y a aucune connotation sexuelle ou de représentation de violence physique dans mon travail. C'est pour ça que je suis souvent surpris par les réactions violentes de certaines personnes lors de mes expositions.

Quelles sont les principales difficultés que tu rencontres dans la réalisation de tes œuvres (finances, création…) ?
Lorsque je travaillais sur le support "poupée" je n’arrivais pas toujours à obtenir la forme finale souhaitée, mais j’ai réglé ce problème en réalisant entièrement mes personnages. Maintenant mes sculptures sont davantage en mouvement. Sinon je me fournis généralement chez Emmaüs ou dans les friperies, ça me permet d’avoir un stock de matière première pour pas grand chose.

As-tu des activités parallèles dont nous n’aurions pas connaissance à ce jour ?
J’ai réalisé des décors de théâtre et de concerts. On a notamment pu voir l'un de mes masques au Théâtre du Rond-Point dans le cadre de la performance "Comptine du Petit Bal Perdu" de France de Griessen, présentée lors du "Grand Mezze". J’ai réalisé également l'ensemble des décors et accessoires pour le spectacle musical "Billy" de Teen Machine, puis une marionnette à l'échelle humaine pour le spectacle "Putain" avec Julie Trannoy, ainsi qu'une série de masques d'animaux fantastiques et les costumes pour le groupe de musique/performance Cut, dont je suis guitariste.


Interview par Dawn et Dusk